« Apprendre à décider »
Episode 3 : Savoir vivre avec son temps
Une action est engagée par une décision, en vue d’obtenir un résultat concourant au succès de la mission. Encore faut-il que cette décision soit prise dans un cadre espace-temps compatible avec l’action envisagée. Attardons-nous un peu sur ce que « temps » signifie en prise de décision.
Comprendre la place et les formes du facteur temps en prise de décision.
En situation de crise, le temps est le premier facteur que le leader doit analyser : Dès la mission formalisée, il est évidemment fondamental de savoir si le temps disponible est suffisant pour l’accomplir. C’est souvent la variable essentielle qui contribue à créer, entretenir ou élever le niveau d’intensité psychologique dans laquelle se trouve le décideur. « On n’a pas le temps », « On a juste le temps » sont des phrases qui ne lui sont pas inconnues. La pire est évidemment « on n’a plus le temps », synonyme d’échec.
Portant la responsabilité de l’accomplissement de la mission, le leader doit en premier lieu chercher à protéger son mental, afin de rester disponible à l’exercice d’une réflexion saine. On y pense moins. Il faut pourtant chercher à faire en sorte que le temps n’ait pas de prise sur soi, à adhérer le plus possible à l’évolution de cette variable, afin d’être disponible psychologiquement dans la durée, autant que faire se peut. On peut alors, simultanément, conduire efficacement l’action tout en diminuant sensiblement sa charge mentale.
Cette posture est au début difficile à adopter. Elle est liée à l’acceptation plutôt qu’à la crainte de la difficulté. C’est la différence entre « craindre un trouble » et « prévoir un trouble ». La posture du leader n’est pas la même : « prévoir un trouble » implique la prévision et l’acceptation positive de la confrontation à l’événement. Il faut donc adhérer au déroulement de la crise, ne pas la craindre.
Cette capacité se développe avec l’expérience et conduit, en fin de compte, à « s’affoler » de moins en moins vite, de moins en moins longtemps, et de moins en moins souvent, jusqu’à atteindre en permanence et quelle que soit la nature de l’événement un niveau de sérénité suffisant pour raisonner et décider utilement.
A l’inverse, à niveau de crise égal, ne pas chercher à désencombrer son esprit pour ne se consacrer qu’à elle ne fait mécaniquement qu’augmenter le niveau de l’intensité psychologique dans laquelle on se trouve. L’idéal est d’essayer de faire comme si ce n’était pas soi, de vivre l’événement d’en haut tout en étant dedans. Tout est affaire de recul, on y parvient avec l’expérience, au fur et à mesure des crises que l’on résout.
Distinguer les notions de temps et de rythme.
Le temps peut ainsi être le pire ennemi ou le meilleur allié du leader. En tant que tel, il n’est par nature pas maîtrisable. Mais dans l’action le décideur peut agir sur son rapport à lui, et on parle alors de rythme : Il faut en permanence réaliser un séquençage de l’action en cours favorable à ses prises de décisions successives, en se donnant les moyens « d’avoir le temps de faire » à chaque décision prise. Il est donc vital de chercher à maîtriser au mieux le rythme de l’action, de pouvoir le faire évoluer à son profit, afin de prendre, garder, ou reprendre si besoin le contrôle du déroulement de l’événement.
Améliorer sa capacité d’anticipation par l’adoption d’une posture constamment proactive.
L’idéal est non seulement de maîtriser le rythme de son action, mais aussi d’être en mesure de l’imposer au déroulement des événements, notamment pour contrer, ralentir, ou empêcher une entrave à l’atteinte de l’objectif qu’on s’est fixé. En bref, chercher en permanence à éviter de subir, ou subir le moins possible. Le succès de la mission est ainsi fortement lié aux capacités d’anticipation du leader.
Action et réaction sont des notions connues : pendant le déroulement de ma mission, mes décisions successives engagent une série d’actions, ou bien l’évolution de la situation dans laquelle je me trouve m’amène à réagir pour atteindre mon objectif.
Mais pour chercher à affermir sa maîtrise du rythme de l’événement, et donc ses chances d’accomplir sa mission, le leader a tout intérêt à adopter une posture développée de proaction. De quoi parle-t-on ?
La proaction « est un concept qui englobe l’ensemble des actions et attitudes adoptées par une personne ou un groupe pour anticiper, prévenir ou résoudre des problèmes avant qu’ils ne surviennent. Elle s’oppose à la réaction, qui consiste à agir après qu’un problème s’est manifesté ».
On peut sans aucune difficulté remplacer « personne » par « leader » et « groupe » par « équipe ». Proaction et anticipation apparaissent ainsi directement liées en prise de décision
Conclusion.
En conclusion, l’enjeu perpétuel du leader est de gagner en efficacité en vivant sa crise dans la plus grande sérénité, et de faire en sorte d’être potentiellement le moins surpris possible pendant tout le déroulement de sa mission. A compétence égale, c’est la qualité de son rapport au temps qui favorisera son action.