Elon Musk excelle dans l’art de négocier. Son parcours d’entrepreneur le confirme. Dans cet article, nous détaillons cinq compétences indispensables dans l’art de la négociation, que le patron de Tesla et de SpaceX maîtrise à merveille.
Maîtriser le rapport de force
Toute négociation se caractérise par un rapport de force, c’est-à-dire une relation de pouvoir entre les parties prenantes. Un bon négociateur doit être en mesure d’objectiver cette relation de pouvoir et d’identifier ses facteurs (favorables et défavorables). Dès le début de sa carrière d’entrepreneur, Elon Musk a été confronté à des rapports de pouvoirs au sein de sa propre structure. En 1995, il crée Zip2 avec son frère. Une année plus tard, un fonds d’investissement canadien entre au capital à hauteur de 3 millions de dollars. Cet apport de liquidité favorise le développement de la société, mais Musk est rétrogradé aux postes vice-président et de CTO. Un rapport de force s’instaure alors entre lui et le nouveau CEO, Rich Sorkin. En 1998, ce dernier souhaite fusionner avec Citysearch, concurrent principal de l’entreprise. Musk négocie avec le board et le convainc dans un premier temps de rester indépendant. Un an plus tard, Zip2 est acheté pour 341 millions de dollars par un groupement d’entreprises constitué de Compaq et AltaVista. Musk touche au passage 22 millions. Dans cette affaire, il a su jouer avec la relation de pouvoir défavorable qui s’était installée avec Rich Sorkin. Il avait la conviction de pouvoir inverser le rapport de force au bon moment. Notamment avec le board. Son objectif étant de faire grandir la société ou bien de la vendre au bon moment, il a sur être patient et s’attaquer aux vrais enjeux en comprenant comment évoluer dans un environnement défavorable.
Savoir identifier un objectif commun
En négociation, il est indispensable d’identifier un objectif commun, partagé par les deux parties. “Une fois cet objectif verbalisé et accepté, les négociateurs construisent une solution commune et acceptent de faire des concessions mutuelles”, explique Laurent Combalbert. Après la vente de Zip2, Elon Musk fonde X.com, l’une des premières banques en ligne. En 2000, il s’intéresse à un service de l’un de ses concurrents Confinity Inc, fondée en 1998 par Max Levchin, Peter Thiel et Luke Nosek.
Les entrepreneurs réalisent qu’une concurrence féroce entre les deux sociétés leur ferait plus de mal que de bien à long terme. Leur ambition est alors identique : dominer le marché des paiements par courrier électronique en tirant parti de leurs deux technologies. Fort de cet objectif commun, la négociation qui s’ensuit mène à la création de PayPal en 2001, dont Musk devient le CEO. Les entreprises fusionnent, mais les relations entre Thiel et Musk sont houleuses et se terminent par un coup : Thiel et ses associées débarquent Musk pendant son voyage de noces. En 2002, PayPal est rachetée par eBay pour 1,5 milliard de dollars. Musk, qui en détenait environ 12% du capital, touche 175 millions dans l’opération.
Savoir poser ses limites
Dans l’art de la négociation, l’un des enjeux les plus importants est d’être capable de dire « non », de connaître les limites qu’on ne franchira pas. En d’autres termes, il est indispensable de définir un point de rupture au-delà duquel la négociation s’arrête. En 2016, alors patron de Tesla, flirtant dangereusement avec la faillite, Elon Musk diffuse un email à toutes ses équipes. Son objet : refus catégorique d’octroyer un rabais à quiconque sur le prix de vente des véhicules de la marque, même pour les employés de la société. La limite de la négociation est ainsi clairement fixée : il est possible de négocier pour les véhicules exposés dans les garages ou les salons internationaux (comme celui de Genève), mais en aucun cas pour ceux destinés à la vente. Musk est alors convaincu que le prix proposé est juste, et correspond à ses coûts de production. Résultat : six ans plus tard, avec ses 12,6 milliards de dollars de profits en 2022, Tesla gagne cinq fois plus d’argent par voiture vendue que Toyota.
L’appétence au conflit
La négociation est l’art de trouver un accord dans des situations de tensions et de frictions. Il est donc indispensable d’être prêt à entrer en conflit avec ses interlocuteurs. Lors du rachat de Twitter en octobre 2022, Elon Musk a montré qu’il en était capable. Il a commencé par racheter 9% des parts de l’Oiseau bleu. Puis, il a annoncé publiquement que l’entreprise n’était pas assez rentable, ce qui a fait chuter ses actions en bourse. Cette technique, destinée à mettre la pression sur Twitter, lui a attiré une déferlante de critiques haineuses, probablement instrumentalisées en partie par la partie adverse. Au final, Musk a fait une offre d’achat à 44 milliards de dollars qui ne pouvait pas être refusée par les responsables de Twitter. Il a remodelé à son image le réseau social, essuyant au passage de nouvelles critiques. L’avenir dira ce que deviendra l’oiseau bleu, entre-temps renommé X. Mais une chose est sûre : la négociation apprend que c’est du conflit que naît la créativité.
Soigner la préparation
L’art de la négociation nécessite un travail exemplaire en amont. “Une bonne négociation, en effet, c’est 80% de préparation et 20% d’agilité”, souligne Laurent Combalbert. C’est ce qu’a fait Elon Musk au moment de négocier le rachat par Citysearch, la fusion avec Confinity, ou l’acquisition de Twitter. La préparation implique de bien définir l’enjeu de la négociation, les objectifs à atteindre, la stratégie et la tactique à appliquer pour y parvenir. Cela passe par une phase de récolte d’information sur le contexte global et sur la partie adverse (ses intérêts, arguments, propositions).
Dans ce cadre, il est important de préparer en retour ses propres arguments et des contreparties. Autre élément essentiel de la phase de préparation: anticiper ses émotions, afin de les accepter et de les contrôler le moment venu.